De nombreux pays démocratiques s’organisent autour de deux pôles, un plus conservateur et un plus social, classiquement désignés chez nous par la droite et la gauche. Nous nous étions habitués à devoir, lors du vote au second tour, trancher entre une droite et une gauche bien différenciées mais qui avaient peu à voir avec leurs extrêmes respectifs. Ces dernières années, et surtout la campagne présidentielle, ont désarçonné une partie des électeurs traditionnels de la droite mais aussi tous ceux qui aiment suivre le débat politique et qui, sans forcément partager les convictions du bloc conservateur, ont un respect républicain pour leurs opinions.
Dimanche, les militants de l’UMP désigneront leur président, c’est l’occasion d’une refondation idéologique et politique. Moment capital pour ce parti qui n’a que 10 ans et dont vient de s’éloigner une partie des centristes en fondant l’Union des démocrates et indépendants (UDI) autour de Jean-Louis Borloo. Comment ne pas les comprendre quand le débat idéologique et les propositions tournent autour de la place de l’islam en France, des immigrés ou du «cancer des assistés» ?
Aujourd’hui, nombre d’anciens thuriféraires de l’ex-président, qui furent parfois ses ministres, ont esquissé un succédané de droit d’inventaire paraissant souvent tard venu et, au pire, indécent. Tous les observateurs attendent donc avec gourmandise ou anxiété de connaître le nom de celui qui sortira du chapeau.
Au même moment, la catastrophe économique annoncée fait sentir ses effets, les plans de licenciement tombent les uns derrière les autres, la réalité de la dégradation des comptes publics saute aux yeux de la majorité des Français, le désespoir et le renoncement devant ce qu’on pense être une fatalité gagnent du terrain.
L’UMP, encore sonnée, ne semble pourtant pas capable de redevenir une force de propositions crédibles. Marine Le Pen, ayant enfin tué le père, est prête à créer une alternative en mesure de rassembler une partie de l’électorat conservateur sur le modèle de ce qu’a pu faire Gianfranco Fini en Italie avec le parti héritier du MSI de Mussolini. Le Rassemblement bleu Marine fourbit ses armes, met en avant de nouveaux leaders «light». Qui sait quels seront ses scores quand il aura réussi à attirer d’autres Gilbert Collard de talent qui, faut-il le rappeler, fut radical valoisien et dans un passé plus lointain trotskiste ! C’est probablement le plus grand danger pour l’ex-majorité.
Il faudrait sortir de la simple critique des mesures et des discours du gouvernement et formuler des contre-propositions. Se garder de tomber dans la facilité de la polémique, aisée, mais qui ne fait pas progresser les débats. C’est justement ce dont les Français sont fatigués.
Dégrisés du rêve de lendemains qui chantent, ils ne croient plus une seconde que les politiques aient le moindre pouvoir de «changer la vie» si l’on en croit l’abstention qui atteint, dans nombre d’endroits, lors de certains scrutins près de trois quarts du corps électoral. Un jour, ils chercheront une alternative à l’élection, dont ils n’attendent plus rien, et personne n’aura à y gagner. L’époque que nous vivons est troublée et anxiogène, c’est un ferment extraordinaire pour les extrêmes. Le constat est terrible, notre pays apparaît de plus en plus comme une terre en jachère. De larges parties de nos territoires deviennent des zones de relégation pour la misère et le désespoir, où l’Etat ne tient plus sa place malgré les plans de rénovation urbaine. Un spleen contagieux gagne.
Dans son dernier rapport, l’ancien médiateur de la République avait brossé le tableau d’une France anxieuse et en souffrance, un bilan sans appel. Le monde qui nous entoure n’est pas non plus rassurant. C’est là où sont les vrais enjeux, pas dans des conversations de comptoir tenant lieu de débat politique autour d’un pain au chocolat, dans des désignations de boucs émissaires, ou des combats d’arrière-garde au rythme des bras d’honneurs !
C’est pourquoi la France et les républicains de tous bords ont besoin d’une droite forte et intelligente, qui propose, construit, réfléchit, pas d’une droite populaire décomplexée qui semble surtout désinhibée. Elle ne peut que pâtir d’une droite qui stigmatise, oppose, singe l’extrême droite. Monsieur le futur président de l’UMP, rendez-nous une droite normale, ceux qui croient encore en la République en ont besoin pour éviter un Waterloo de la démocratie en 2017 !
MADJID SI HOCINE