C’est une histoire absurde qui a eu lieu il y a quelques semaines, une histoire entre Kafka et Le Pen : des sans-papiers travaillaient sur le chantier d’un centre de rétention, ils furent arrêtés et emprisonnés dans le centre même qu’ils construisaient.
C’est une histoire presque banale dans la France de Brice Hortefeux.
Pendant l’été, le gouvernement a poursuivi la guerre qu’il livre aux immigrés. Disons-le tout net : le bilan de la droite en matière d’immigration est désastreux. Les différentes lois Sarkozy et Hortefeux sur le sujet sont facteur d’injustice et de désordre contre lesquels le gouvernement se présente comme un rempart. Et les projets en cours sont encore plus préoccupants. A l’inverse, le concept socialiste d’immigration partagée s’inscrit dans la perspective d’un traitement plus juste et plus humain de cette question sensible.
L’hyperactivité législative de Nicolas Sarkozy ne sert qu’à dissimuler son mauvais bilan en matière d’immigration : quatre lois sur l’immigration en quatre ans, fait inédit sous la Ve République. La multiplication de textes inutiles et d’effets d’annonce populistes contribue à une stigmatisation intolérable des immigrés dans notre pays. Les couples mixtes sont soupçonnés, les travailleurs exploités par leurs patrons puis expulsés, les enfants séparés de leurs parents… La pression exercée sur l’administration pour atteindre des objectifs démagogiques de 25 000 reconduites par an est dangereuse, et conduit à des drames humains semblables à celui des immigrés défenestrés ou noyés ces derniers mois.
La politique de Brice Hortefeux crée le malaise jusque dans les rangs de la majorité. Il y a quelques semaines, le rapport Mazeaud a sévèrement tancé cette politique. Plus récemment, dans une tribune publique, le député UMP Etienne Pinte se désolidarise publiquement de Brice Hortefeux et du député Frédéric Lefebvre, qui avaient accusé les associations de soutien aux sans-papiers d’être responsables des incidents et révoltes dans les centres de rétention. Hortefeux et Lefebvre ont, depuis plusieurs mois, cherché des boucs émissaires et tenté de diaboliser les associations de soutien aux sans-papiers, alors que c’est leur absurde politique du chiffre qui transforme les centres de rétention en Cocotte-Minute. Tout cela est en total décalage avec les réalités des pays d’émigration et avec les besoins de la France. Que proposent les socialistes ? L’immigration partagée.
D’abord, il faut renforcer les mécanismes de régularisation permanente et réaffirmer les droits fondamentaux, avec par exemple le maintien de la possibilité de régularisation automatique après dix ans de résidence et le retour à la loi Reseda en ce qui concerne la carte «vie privée et familiale». Il faut aussi régulariser les parents d’enfants nés sur le territoire français et y ayant toujours résidé.
Les étrangers ne doivent pas être traités comme des délinquants et il faut décorrectionnaliser les premières infractions à l’entrée et supprimer l’interdiction judiciaire du territoire français.
Ensuite, un «projet migratoire individuel» permettrait une meilleure fluidité des échanges en améliorant l’information sur les conditions d’émigration et la lutte contre les filières illégales, tout comme en créant dans la loi de nouveaux outils susceptibles de mieux répondre à la demande migratoire : visa spécial «étudiants» et «diplômés» facilitant les allers-retours, visas permanents facilitant la circulation des travailleurs qualifiés et non qualifiés comme les travailleurs saisonniers, nouvelles catégories de titres de séjour.
Enfin, une nouvelle politique d’accueil et d’intégration plus efficace reposerait sur le contrat d’accueil et d’intégration qui doit devenir un levier d’intégration en créant un accompagnement personnalisé de l’étranger dans son arrivée sur le territoire.
Il faut faire aboutir la promesse ancienne d’octroyer le droit de vote aux étrangers non-communautaires après cinq ans de résidence légale aux élections locales par voie parlementaire et en cas d’échec par voie réglementaire.
Enfin, il faut réinstaurer le droit au regroupement familial dans l’intérêt des familles, conformément à la convention européenne des droits de l’homme.
Dans un monde marqué par l’explosion des transports et des communications, face à l’émergence des continents en développement, la France ne peut pas se vivre en forteresse et seule l’immigration partagée lui permettra de relever les défis démographiques, économiques et politiques du XXIe siècle.
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