En annonçant, hier 16 septembre, la « fermeture » des ‘Jungles’ pour la
semaine prochaine, le ministre de l’Immigration Eric Besson ferme les
yeux sur les violations des droits de l’homme massives dans les pays
dont sont originaires les migrants et l’extrême précarité de leurs
conditions de vie.
Le ministre ne doit pas se leurrer : annoncer la « fermeture » de la
‘Jungle’ signifie simplement tenter de rendre invisible un problème qui
perdurera, se renouvellera et se déplacera. L’incapacité des autorités
françaises et européennes à appréhender correctement et de façon
coordonnée cette situation aura un coût : les conditions indignes dans
lesquelles sont contraints de vivre les migrants et demandeurs d’asile
malgré l’aide au quotidien de nombreux bénévoles.
Le ministre a d’ailleurs déjà marqué des points avec ses annonces des
derniers mois : en effet, comme il l’affirme aujourd’hui « il y avait
environ 700 personnes il y a trois mois, il en reste environ 300 ». Des
centaines de ces personnes, bien réelles, hommes, femmes, enfants,
effrayées, ont poursuivi leur errance vers de nouveaux lieux, de
nouveaux pays et font alors face à de nouveaux obstacles et de nouvelles
violations de leurs droits.
Pour se justifier, le ministre met en avant la « remontée très forte de
la délinquance dans le Calaisis », « les agressions des habitants de
Calais » et « les entreprises qui ne peuvent plus travailler normalement
». Cela ne correspond pas aux observations des associations qui sont sur
le terrain. Plutôt que d’apporter des solutions aux causes mêmes de
cette situation, le ministre opte pour la facilité de la stigmatisation
du « migrant-demandeur d’asile », présenté comme une personne
délinquante et dangereuse, cela sous couvert de s’attaquer aux passeurs.
Aujourd’hui, comme à chaque annonce, le ministre cache que ces migrants
qu’il veut déloger viennent de pays où les violations des droits de
l’homme sont massives, ce qui explique leur fuite désespérée et leur
acceptation de conditions de vie aussi précaires.
Alors qu’en juillet le ministre parlait de 36 demandeurs d’asile « admis
au séjour », il affirme aujourd’hui que 170 demandes ont été
enregistrées depuis le 1er janvier « avec titres de séjour et
hébergement ». Ce ne sont pas les chiffres des associations : beaucoup
de ces personnes, passées par la Grèce ou l’Italie et contraintes de
brûler leurs empreintes pour éviter d’y être renvoyées, ne reçoivent ni
l’un, ni l’autre.
Comment des Erythréens peuvent-ils accepter un retour « volontaire »
dans leur pays ? Pourquoi des Soudanais ou des Afghans
accepteraient-ils, en application d’un texte européen, Dublin II, leur
transfert vers la Grèce, régulièrement condamnée et dénoncée pour les
mauvais traitements caractérisés et répétés à l’encontre des demandeurs
d’asile et des migrants en général ?
Demain, Eric Besson va en Grèce, mais ce n’est malheureusement pas pour
se mettre d’accord sur la suspension des transferts vers ce pays où la
situation de l’asile est régulièrement dénoncée par le HCR et le Conseil
de l’Europe. En fait, ce déplacement est annoncé « dans le cadre des
efforts de la France pour renforcer la politique de lutte contre
l’immigration irrégulière ».
Une politique respectueuse des droits doit avoir le courage de constater
que la politique européenne est défaillante. Les autorités françaises
perdent une occasion d’ouvrir et de faire ouvrir les yeux sur les drames
humains qui se cachent derrière ces situations. Nos associations
demandent à nouveau le retrait ou à défaut la révision du règlement
Dublin II qui cause plus de victimes qu’il n’apporte de solutions.
Pour sortir de la loi de la ‘jungle’, il faut remettre le système
d’asile européen sur ses pieds en arrêtant de dénier les besoins de
protection des personnes et en prévoyant un mécanisme leur permettant de
demander asile dans le pays de leur choix ou là où elles ont des liens
familiaux, linguistiques ou culturels. Quelque soit leur choix, il faut
également leur assurer des conditions d’accueil conformes à la dignité
des personnes en prévoyant des structures d’hébergement ouvertes à tous.
La Coordination française pour le droit d’asile rassemble les
organisations suivantes :
ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Act-Up
Paris, Amnesty International – section française, APSR (Association
d’accueil aux médecins et personnels de santé réfugiés en France),
Association Primo Levi (soins et soutien aux personnes victimes de la
torture et de la violence politique), CAAR (Comité d’Aide aux Réfugiés),
CAEIR (Comité d’aide exceptionnelle aux intellectuels réfugiés), CASP
(Centre d’action sociale protestant), CIMADE (Service oecuménique
d’entraide), COMEDE (Comité médical pour les exilés), Dom’Asile, ELENA,
FASTI (Fédération des associations de soutien aux travailleurs
immigrés), France Libertés, Forum Réfugiés, FTDA (France Terre d’Asile),
GAS (Groupe accueil solidarité), GISTI (Groupe d’information et de
soutien des immigrés), LDH (Ligue des droits de l’homme), Médecins du
Monde, MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les
peuples), Secours Catholique (Caritas France), SNPM (Service National de
la Pastorale des Migrants), SSAE (Soutien, solidarité et action envers
les émigrants) La représentation du Haut Commissariat pour les Réfugiés
(HCR) en France et la Croix Rouge Française sont associés aux travaux de
la CFDA