Une nouvelle fois, le parti d’extrême droite français, le Front national, incite à la haine raciale. Une affiche sur-titrée « Non à l’islamise » avec une femme vêtue d’un niqab noir est placée devant une carte de France portant les couleurs du drapeau algérien et cernée de sept minarets en forme de missiles a été utilisée par le Front national de la jeunesse (FNJ) pour la campagne des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d’Azur, PACA.
A partir de cette attaque raciste qui vise un peuple, un Etat indépendant et une partie de la société française, il est légitime de s’interroger sur la légalité de ce parti dans un pays comme la France qui clame son attachement aux libertés fondamentales et aux droits de l’homme. La France officielle cautionne-t-elle les dérapages de cette association politique ? Le Président de la République française et son gouvernement ont-ils un pouvoir de contrôle des activités illicites des partis politiques ?
Les partis politiques en France ont le statut d’associations – régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association – organisées de façon durable et implantées sur l’ensemble du territoire. Ils ont pour objectif d’exercer le pouvoir ou au moins d’y participer. Le pluralisme et la mise en concurrence de différentes formations politiques sont un des fondements de la démocratie et de la liberté d’opinion. Cette exigence est inscrite à l’article 4 de la Constitution de la Vème République, de même que la liberté d’adhérer ou non à un parti.
Les partis politiques « concourent à l’expression du suffrage », selon l’article 4 de la Constitution. Ils participent à l’animation de la vie politique :
• Ils sont les intermédiaires entre le peuple et le pouvoir : ils recensent les demandes ou les besoins de la population et les transforment en programme politique.
• Ils ont une fonction de direction : ils ont pour ambition d’exercer le pouvoir afin de mettre en œuvre la politique annoncée.
L’affiche susvisée tombe sous le coup des dispositions de l’article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui prévoit les principes suivants : « Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes :
Seront punis des peines prévues à l’alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap ou auront provoqué, à l’égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »
Ce support de propagande illicite, qui ne traduit ni les demandes ni les besoins du peuple français, ne peut viser que la division de la cohésion de la société nationale. Ce qui est dangereux et menaçant pour la sureté, la sécurité et l’ordre public. Ce que ce parti n’a pas encore compris, c’est que la France est devenu diversifiée et multicolore et que l’identité nationale française est multiple. L’islam et l’Algérie font partie de l’histoire de la France et des racines de la nation française d’aujourd’hui. La preuve la plus convaincante est la composition du gouvernement actuel, formé de personnalités politiques issues de cette diversité qui fait de la France un pays multiculturel.
Il est judicieux de rappeler que le droit public français prévoit des mesures administratives pour promouvoir le principe d’égalité de traitement dans les rapports publics et les relations entre personnes ou les groupes de personnes. En conséquence, les autorités administratives ainsi que les institutions gouvernementales disposent d’un certain nombre de pouvoirs et de compétences afin de veiller au respect du principe de non-discrimination et d’égalité dans la société française.
La loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme complétant l’article 1er de la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées permet au Président de la République de prononcer par décret en conseil des ministres la dissolution des associations ou groupements de fait qui, « provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupement de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » . C’est sur ce fondement qu’a été dissous, par décret du 6 août 2002, pris par le Président de la république en conseil des ministres, sur rapport du ministre de l’intérieur, le « groupement de fait dénommé : Unité radicale » suite à la tentative d’attentat contre sa personne par un membre de ce groupe d’extrême droite .
Le 28 mai 2006, la Tribu KA, groupuscule noir ultra-radical et raciste, faisait irruption rue des Rosiers à Paris et provoquait des incidents avec la communauté juive. Une procédure avait été lancée par le ministère de l’intérieur pour qu’elle soit dissoute. Le conseil des ministres l’a entérinée, le 26 juillet 2006. La décision, prise sur proposition du ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, se fonde sur la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et milices privées.
Il est à noter également que le financement des partis politiques a été réglementé à partir de 1988 . Quatre grands principes régissent aujourd’hui ce financement : il est essentiellement d’origine publique. C’est la nouveauté apportée par les lois sur le financement des partis : l’aide publique est désormais la ressource principale des partis. Peut-on accepter en France qu’un parti diviseur comme le Front national bénéficie toujours de l’argent public et continu à faire des ravages dans la vie politique française. Est-il toujours nécessaire de rappeler que la devise de ce pays est encore « Liberté, égalité et Fraternité » !
Une autre question se pose naturellement : Veut-on vraiment la normalisation des relations entre l’Algérie et la France ? Avec cette affaire d’affiche d’un parti français qui a encore fait agiter les passions et le silence assourdissant de la classe politique française, ces deux pays sont-ils condamnés à rester éternellement des « ennemis intimes » ? Veut-on vraiment normaliser et pacifier les relations entre les deux rives pour l’intérêt commun des deux peuples ? Il est légitime d’affirmer que la France officielle doit prendre les mesures nécessaires et symboliques pour éviter justement les « dérapages » calculés de certains responsables d’associations politiques. Le but est d’arriver enfin à concrétiser la paix entre les peuples et poser finalement les fondements d’une relation basée sur le respect réciproque, deux objectifs chers au Président français, M. Nicolas Sarkozy, initiateur de l’Union pour la méditerranée.
1 JO, 2 juill. 1972.
2C. pénal, art. 431-15 à 431-18.
3 JO, 8 août 2002.
4 Loi n° 88-227 du 11 mars 1988
Par Fayçal Megherbi
Docteur en droit et conseiller juridique dans une ONG à Paris