Le ministre de l’Intérieur et ancien ministre de
l’Immigration, Brice Hortefeux, a été condamné vendredi à une amende de 750 euros pour avoir tenu en septembre 2009 des propos jugés « outrageants » envers les personnes d’origine arabe.
Selon plusieurs avocats spécialisés interrogés par l’AFP, cette
condamnation est la première d’un ministre de la Ve République pour « injure raciale ».
« M. Hortefeux a décidé d’en faire immédatement appel », a déclaré dans la foulée l’un de ses conseils, Me Nicolas Bénoit.
« C’est une grande grande victoire pour la justice et contre le racisme »,
lui a répondu tout sourire Me Pierre Mairat, l’avocat du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples. Partie civile, le Mrap s’est vu octroyer vendredi 2.000 euros de dommages et intérêts.
Le conseil a également salué l’attitude du tribunal, qui « n’a pas ménagé ses mots pour stigmatiser la gravité de ces propos (…) absolument inadmissibles ».
La polémique est née en septembre, avec la diffusion par lemonde.fr d’une vidéo où Brice Hortefeux tenait des propos ambigus pendant qu’il posait avec un jeune militant, Amine, né de père algérien, lors de l’université d’été de l’UMP à Seignosse dans les Landes.
Dans l’échange incriminé, une militante expliquait à M. Hortefeux qu’Amine mangeait du cochon et buvait de la bière, ce à quoi le ministre rétorquait : « Ah mais ça ne va pas du tout, alors, il ne correspond pas du tout au prototype ». Dans un second temps, il ajoutait : « Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes ».
Interrogé sur ces propos, M. Hortefeux avait assuré n’avoir voulu faire
« aucune référence à une origine ethnique, maghrébine, arabe, africaine et ainsi de suite ». Plus tard, il avait laissé entendre que les propos incriminés concernaient les Auvergnats.
En dépit d’un jugement très critique à l’égard du ministre, la 17e chambre correctionnelle, présidée par Joël Boyer, a relaxé M. Hortefeux pour la première phrase.
Ainsi, écrit-elle, l’emploi du mot « prototype » appliqué à une personne
d’origine arabe, « déjà malheureux et incongru en lui-même, laisse entendre que tous les Arabes de France seraient semblables, nécessairement musulmans et qu’ils se conformeraient tous aux prescriptions de l’islam, seul le jeune
Amine faisant exception ».
Toutefois, nuance le tribunal, si ce propos, « de nature à favoriser les
idées reçues », est « contestable », il « ne saurait être regardé comme
outrageant ».
En revanche, les magistrats ont considéré que la seconde sortie – « c’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes » – était « incontestablement outrageante, sinon méprisante » pour les personnes concernées, « présentées (…) négativement, du seul fait de leur origine ».
A l’audience, le 16 avril, le procureur François Cordier avait reconnu que ces paroles étaient bien « outrageantes » mais n’avait pas requis de
condamnation, en considérant que l’échange n’avait rien de public.
Vendredi, le tribunal a reconnu que les propos reprochés avaient été tenus « lors d’un échange informel de Brice Hortefeux et Jean-François Copé, au ton badin et décontracté, avec des militants ».
Mais alors que le parquet en déduisait automatiquement la relaxe, le
tribunal a choisi lui de maintenir l’injure et de n’abandonner que le
qualificatif de « public ».
M. Hortefeux ne pouvant « être pénalement comptable d’un propos non destiné à être entendu », le tribunal a requalifié le délit en simple contravention de 4e classe et a condamné le ministre à l’amende maximale. Le jugement devra être publié dans un périodique.
En 1982, le tribunal correctionnel de Paris avait condamné Gaston Deferre, alors ministre de l’Intérieur, pour « diffamation » envers Jacques Chirac. Il avait affirmé que le patron d’un cercle de jeux assassiné, était un protégé de M. Chirac et était « un truand notoire ».