Des dizaines d’immigrés tunisiens, arrivés en France via l’Italie, ont été interpellés cette semaine à Paris et Marseille, et font l’objet de reconduites à la frontière, un signal fort visant à dissuader de nouveaux exilés clandestins qui a suscité la colère des associations.
Mardi soir, une soixantaine de personnes ont été placées en garde à vue à Paris et en Seine-Saint-Denis pour « infraction à la législation sur le séjour » et une « majorité d’entre eux ont ou vont faire l’objet d’arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière », a annoncé mercredi soir la préfecture de police.
Mercredi vers 21H00, porte de la Villette à Paris, une soixantaine de jeunes migrants, en majorité tunisiens, ont également été interpellés et placés en garde à vue. Ils étaient encore à la disposition des autorités jeudi à midi, selon la préfecture.
Toujours mercredi soir, 15 migrants tunisiens ont été interpellés à Marseille, placés en garde à vue pour « infraction à la législation sur les étrangers ».
Les associations de soutien aux étrangers ont protesté. « On a un double discours, la préfecture annonce qu’une école publique va être ouverte ce matin pour l’hébergement et en même temps, on a l’intervention des forces de l’ordre », s’est insurgé Bernard Eynaud, de la Fédération de la Ligue des droits de l’Homme.
L’avocate Samia Maktouf, très engagée auprès des migrants tunisiens à Paris, a déploré l’intervention de la police, demandant que chaque dossier puisse être étudié en vue d’une « régularisation au cas par cas », ainsi qu’une prise en charge des mineurs et des malades.
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë (PS), a demandé mardi que « pour les 20.000 migrants tunisiens de ces dernières semaines, des solutions raisonnables et réalistes » soient trouvées.
Le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, lui a répondu que ce n’était « pas à l’Etat » de pourvoir au séjour de ces étrangers, rappelant que « pour séjourner temporairement de façon régulière (en France), ces personnes doivent être munies non seulement d’un document de voyage et d’un titre de séjour, mais également disposer de ressources suffisantes ». Les ressortissants tunisiens « ne remplissant pas (ces) obligations ont vocation à être éloignés dans leur pays d’origine ou réadmis en Italie pour ceux en possession d’un titre de voyage pour étranger délivré par les autorités italiennes », a souligné le ministre.
Le député PS Manuel Valls a déclaré jeudi ne pas être « choqué par le fait que l’on reconduise à la frontière des migrants qui sont en situation clandestine ».
La Ligue des droits de l’Homme et le MRAP ont qualifié « d’indigne » le traitement infligé aux Tunisiens arrivés en Europe, France Terre d’asile dénonçant « la réponse policière et autoritaire » apportée par le ministère de l’Intérieur.
La question de l’accueil de ces migrants a provoqué des tensions entre Paris et Rome. La France avait été irritée par la décision italienne d’octroyer des permis de séjour de six mois aux Tunisiens. Les autorités françaises avaient alors, six heures durant, bloqué le trafic ferroviaire entre Vintimille et Nice pour empêcher l’entrée d’un train avec à son bord des immigrés tunisiens.
A l’issue d’un sommet à Rome mardi, la France et l’Italie se sont déclarés favorables à une « réforme » du traité de Schengen, face aux « circonstances exceptionnelles » actuelles, avaient déclaré le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, et le président Nicolas Sarkozy.