Avec l’élection du nouveau président de la République française, François Hollande, l’Algérie, n’aurait-elle pas intérêt de proposer un nouvel avenant à l’Accord franco-algérien ? L’Algérie et la France sont liées par l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 qui réglemente le séjour, l’emploi et la circulation des ressortissants algériens en France. Quels seront les points forts que le gouvernement algérien devra soulever et défendre dans l’intérêt de l’Algérie et ses citoyens ?
François Hollande qui, selon ses dires, veut « rénover les relations avec l’Algérie qu’il considère stratégiques dans la région du Maghreb ». Il se dit « ami de l’Algérie où il a effectué un stage à l’ambassade de France à Alger en 1970 » et se déclare « prêt à faire un geste important en ce qui concerne le passé colonial de la France en Algérie ». Il a d’ailleurs envoyé à maintes reprises des collaborateurs à Alger, signe qu’il désire stabiliser les relations économiques et culturelles entre la France et l’Algérie. Il pourrait être un homologue ouvert et avantageux pour le président algérien, Abdelaziz Bouteflika.
Les dernières rencontres, du 20 juin 2010, entre les représentants politiques des deux pays ont laissé croire qu’un nouvel avenant franco-algérien se dessinait. Le Président algérien, Abdelaziz Bouteflika, avait reçu l’ancien secrétaire général de l’Élysée avant qu’il devienne ministre de l’intérieur, Claude Guéant, et l’ancien conseiller diplomatique, Jean-David Levitte, de Nicolas Sarkozy. Lors de cet entretien la question de l’avenant était abordée.
Le 22 juin 2010, Jacques Toubon, président de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration et ancien ministre de la Culture et de la Francophonie et de la justice, a annoncé, lors d’une conférence sur le thème : « Immigration et Intégration en France : histoire et perspectives », au centre culturel français d’Alger, que l’accord franco-algérien sera modifié en octobre 2010.
Ce projet devait, aussi, être abordé durant la visite officielle, du président algérien, en France en juin 2009 ; Cette rencontre était devenue caduque en raison des divergences entre Alger et Paris sur le passé coloniale de la France en Algérie. Les tensions entre les deux rives caractérisent les relations bilatérales et les modifications ultérieures de l’accord de 1968 ont toujours été longues et compliqués.
Un point d’histoire :
Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, les Accord d’Evian reconnaissaient aux Algériens la liberté de circulation entre l’Algérie et la France ainsi que le principe de l’égalité des droits sociaux et économiques avec les citoyens français. Cet accord établissait l’obligation pour les Algériens de présenter un passeport aux frontières, mais sans la contrainte du visa. Un titre de séjour particulier était créé portant le nom de « certificat de résidence ».
Les deux avenants des 22 décembre 1985 et 28 septembre 1994 conclus par la suite par les deux pays ont de manière générale eu pour objet de tenir compte des modifications du contexte migratoire, de rapprocher la situation des Algériens de celle des autres nationalités, sans toutefois que ce rapprochement soit total.
En application de l’avenant de 1985, à titre d’exemple, un Algérien pouvait sans difficultés venir s’installer en vue de faire des études, ou exercer certaines activités professionnelles ; il disposait de la liberté d’établissement en qualité de commerçant ou artisan. Par contre, la situation de l’emploi lui devenait opposable dans le cadre d’un travail salarié.
La situation de parents d’enfants français ne donnait aucun droit au séjour, notamment aucune carte de « plein droit », contrairement à la situation des autres étrangers. Ce point n’a été modifié qu’avec l’avenant du 11 juillet 2001.
Les éléments fondamentaux à défendre du côté algérien :
Dans l’optique d’un nouvel avenant, le gouvernement algérien doit en priorité défendre trois points dans l’accord et maintenir les acquis des précédents avenants. Tous d’abord, la régularisation à travers la règle des dix ans de présence sur le territoire français doit demeurer. En effet, la Loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, dite « Loi Sarkozy II », a abrogé cette disposition qui prévoyait l’attribution automatique d’un titre de séjour d’une durée d’un an aux ressortissants étrangers sur le fondement des dix ans de présence en France. Il sera donc dans l’intérêt des ressortissants algériens qui demeurent depuis plus d’une décennie en France de pouvoir bénéficier d’une carte de séjour car le gouvernement français pourrait être tenté de supprimer cet avantage aux algériens comme il l’a déjà fait pour les tunisiens (2).
Le gouvernement algérien doit également sauvegarder le principe de la régularisation des ressortissants algériens ayants la qualité de conjoint de français, sans toutefois leurs exiger un visa long séjour. En effet, la règle générale est l’obligation de produire un visa long séjour pour la délivrance de plein droit d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale ». Les ressortissants algériens ne sont pas concernés par cette impérative du visa long séjour.
Enfin, un troisième point important concerne la régularisation par le travail. Les dispositions de la circulaire relative à la délivrance de cartes de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » au titre de l’admission exceptionnelle au séjour ne s’appliquent pas sur les ressortissants algériens. Ces derniers ne peuvent invoquer les dispositions de l’article L. 313-14 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et le droit d’asile.
L’inapplicabilité de cette situation aux ressortissants algériens, alors qu’ils représentent près du quart des entrées permanentes en France, pose un véritable problème. Jacques Toubon, lors de sa conférence, évoquait un régime dérogatoire avantageux comparé aux autres étrangers dans les dispositions de l’accord franco-algérien. Or, la circulaire qui prévoit de faciliter l’accès des ressortissants étrangers au marché du travail français n’est pas applicable aux algériens. Dans le souci de créer cet équilibre, le gouvernement algérien doit intégrer ces principes dans le nouvel avenant qui pourrait se projeter.
Pour rappel, en juin 2010, Le ministre algérien des affaires étrangères, Mourad Medelci, avaient déclaré à la presse que : « l’immigration algérienne en France, un capital d’avenir »(3) ; cela conduit et ce, dans l’intérêt réciproque du gouvernement algérien et des ressortissants algériens en France, que l’Etat algérien prépare, en gardant les dispositions avantageuses acquises dans le 3ème avenant, un nouvel accord qui intègre le nouveau volet sur l’« immigration économique » afin de faire bénéficier aux ressortissants algériens résidant en France d’un véritable statut avantageux et favorable.
Les représentants algériens ne devraient pas négliger l’apport de la communauté algérienne en Europe pour le développement de l’Algérie. La Banque mondiale estime ainsi que la contribution des migrants à l’accroissement du revenu mondial avoisinera les 772 milliards de dollars en 2025. II s’agit, dès lors, de prendre acte de cette donnée cruciale dans l’économie algérienne (4).
Par Fayçal Megherbi, avocat au Barreau de Paris
Notes :
(1) El Watan du 6 mai 2012 ;
(2)Accord cadre France Tunisie du 28 avril 2008 relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé à Tunis le 28 avril 2008, entré en vigueur avec ses protocoles le 1er juillet 2009 ;
(3) El-Moudjahid du 21 juin 2010 ;
(4) Oumma.com du 5 juillet 2010