L’obscure et si différente Algérie nous fait de nouveau espérer. Ce pays qui fut un leader des pays progressistes en son temps, entre -autre grâce à la contribution d’un jeune ministre des Affaires Étrangères devenu aujourd’hui un triste roi Lear.
Elle qui ne renvoyait plus dans les mémoires que l’émouvant souvenir de la photo de la madone de Bentalha et des massacres de la décennie noire et que finalement peu connaissent ou comprennent malgré les 132 ans d’histoire commune et 7 millions de citoyens qui ont un lien quelconque avec la patrie de Saint Augustin.
Elle qui n’était perçue que comme un marché de cocagne pour les exportateurs en raison de ses ressources financières, ou comme un pays à potentiel risque migratoire dès le moment où l’on a commencé à percevoir l’essoufflement de ce qu’il est convenu d’appeler « le système ». Ne voilà-t-elle pas qu’elle nous donne une immense leçon !
Face à l’insulte que représente la candidature à un cinquième mandat d’un président qui nous rappelle étonnamment un Jean Paul II finissant que l’on transportait sur son trône papal. Ne voilà-t-il pas que ce peuple dont on disait qu’il était dépolitisé, vacciné contre le syndrome pernicieux du printemps arabe et les risques de plongée dans le chaos, sort dans les rues, s’oppose.
Et de quelle manière ! Avec un humour qui a toujours caractérisé l’algérien pour qui se souvient des blagues qui courraient à Alger alors que les bombes explosaient et que les têtes tombaient aux faux barrages des terroristes. Dans un ordre, une discipline, un sens du civisme qui en remontre aux gilets jaunes. Malgré les risques et les pressions, le peuple défile, jeunes, vieux, femmes, habitants des villes et de l’intérieur du pays comme on dit là-bas, dans une allégresse qui attendrie avec un espoir qui renait pour un pays que l’on croyait immuable. Pays dont on disait qu’il n’y avait plus d’élite, plus de partis, plus d’associations puisque tout le monde avait été soit acheté, soit réduit au silence par un système qui quand il ne peut pas flatter, sait se monter coercitif. Ré apparaît « le Fleuve détourné « dont parlait le regretté Rachid Mimouni, pour sauver « l’Honneur de la tribu » (ndlr titre de 2 romans de cet écrivain francophone, mort en 1995).
Personne ne peut dire comment tout cela finira. Il y a déjà eu une concession du pouvoir perturbé par cette situation inattendue, le mandat ne serait que d’un an avant de nouvelles élections. Le sang a peu coulé jusque-là, mais rien ne dit que ce ne sera pas le cas sous peu. On ne voit pas en tout cas comment une marche arrière pour les deux camps est possible, sauf si renoncement de l’un ou renoncement de l’autre obtenu par la force ou on l’espère par la négociation. Et même en cas de bouleversement, la situation semble bien incertaine.
Une chose stupéfie, le silence assourdissant de la classe politique française et du gouvernement qui est bien sur tenu à au moins deux titres à une forme de réserve, le principe de non-ingérence et surtout le poids de l’histoire.
Néanmoins, ce qui est valable au lointain Venezuela, où la France n’a pas hésité à dire tout le mal qu’elle pensait du régime Maduro, n’est pas valable pour la si proche Algérie ? Ce fut aussi le cas pour le Gabon il y a peu quand le pays a été agité à la suite d’un autre AVC, celui d’Ali Bongo fils de son père qui règne sur ce Koweït africain depuis 2009. La françafrique devrait avoir des neurologues à mettre à disposition des gérontes africains !
Paris risque de rater le vent de l’histoire et des changements en train d’apparaitre en Afrique où la jeunesse instruite et éclairée ne s’en laisse plus compter et a un regard de plus en plus noir sur l’attitude de l’ancienne puissance. Elle commence déjà à se détourner du français et la référence n’est plus la patrie de De Gaulle , alors que les chinois sont là depuis longtemps, que les russes en Centrafrique, les américains un peu partout, taillent dans l’ancien pré carré. Même les israéliens sont de plus en plus influent si l’on en croit Jeune Afrique qui parle de l’ascension irrésistible de » l’Israël connection ».
On ne peut à la fois être si rapide à donner des leçons et se prétendre le garant des valeurs de Droits de l’Homme et diner avec la cuillère de Staline ?
Y aura-t-il encore longtemps aussi peu de clairvoyance sur les changements en cours en Afrique et sur les changements de paradigmes à adopter ? Ou tout simplement, le nouveau monde ressemble encore à l’ancien monde des intérêts court- termistes et des connivences anciennes.
On ne peut à la fois, craindre les réfugiés climatiques, les refugiés politiques et économiques et ne rien faire pour les empêcher de se constituer. Si demain l’instabilité de l’autre côté de la méditerranée continuait d’entretenir l’exode en cours depuis 20 ans, les seuls responsables ne seront pas les aléas de l’histoire.
On devrait y réfléchir au Quai d’Orsay et à l’Élysée…
Madjid Si Hocine