En ces temps de crise financière et économique, les gouvernements essaient de trouver des boucs émissaires. En France, la droite qui gouverne ce pays se focalise souvent sur les immigrés, les sans-grades et les laissés-pour-compte pour des visées électoralistes et surtout pour disperser les regards sur les vrais problèmes qui touchent les Français. Le Président de la France et son ministre de l’intérieur Claude Guéant reprennent aujourd’hui à leur compte l’un des arguments les plus vieux et les plus économiquement infondés de l’extrême droite les étrangers travaillant en France, même légalement, seraient trop nombreux et leur présence expliquerait le chômage.
Du coup, le secrétaire général de l’UMP Jean-François Copé a annoncé mardi 24 mai 2011 la tenue en juin prochain d’une convention de son parti sur l’immigration. M. Copé a aussi pointé « la question de l’immigration non pas économique mais sociale ». « Ca n’a rien à voir avec la xénophobie, c’est un problème comptable (…). Il y a un certain nombre de mesures à caractère social dont peuvent bénéficier les immigrés » que « nous ne pouvons pas financer », a-t-il expliqué à propos du regroupement familial .
La question qui se pose naturellement est la suivante : l’immigration en France est-elle un fardeau pour les Français et combien coûte-t-elle aux finances publiques ? Elle ne coûte à priori rien, bien au contraire, du moins de l’avis des économistes. Selon une récente étude réalisée par des chercheurs de l’université Lille-2, « les immigrés permettraient d’apporter 12,4 milliards d’euros aux finances publiques : ils recevraient certes près de 47,9 milliards d’euros chaque année d’aides sociales, mais en reverseraient 60,3 à l’Etat notamment par les impôts. Selon cette étude, les immigrés contribueraient même davantage que les nationaux au financement de la protection sociale : à hauteur de 2.250 euros pour les premiers contre 1.500 pour les nationaux. »
Une deuxième interrogation peut être posée : la France a-t-elle besoin de travailleurs immigrés ? C’est une certitude. Selon le vice-président de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), Charles Melcer , « l’immigration du travail serait indispensable pour assurer la croissance de la France » ; « Sans les immigrés de nombreux secteurs économiques seraient en grande difficulté » ; « Parce que les Français refusent de faire certains métiers ».
Ces affirmations confirment les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) : dans certains secteurs, plus de 20% de la main-d’œuvre est constituée d’immigrés : les entreprises de sécurité, le nettoyage, et les services domestiques. Certains Français refusent les métiers difficiles. Selon les estimations de la Direction générale du ministère de l’Economie, des finances et de l’industrie, entre 300 et 600.000 offres d’emplois en France ne trouveraient pas preneur pour cette raison. Et selon une récente enquête de Pôle emploi, 37,6% des embauches projetées par les employeurs en 2011 butent sur des difficultés de recrutement, touchant en majorité des métiers souvent mal rémunérés (cuisiniers, serveurs, aides ménagères, emplois de maison).
Une troisième question avant de conclure : les travailleurs immigrés, prennent-ils le travail des Français ? Il est prouvé que les 20.000 personnes admises en moyenne chaque année au titre de l’immigration du travail n’ont rien à voir avec le fait que plus de 4 millions de citoyens français sont aujourd’hui inscrits au Pôle emploi et que six millions des salariés vivent avec moins de 750 euros par mois .
Le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) lui-même a mis en garde contre le danger d’un pays qui se fermerait alors que l’immigration légale du travail correspond au besoin de l’économie française. « Stigmatiser les étrangers qui travaillent légalement en France ne fera pas baisser la courbe du chômage. Par contre, cela contribuera encore davantage à dégrader le débat public, à diviser les Français et à abîmer la République ».
Par Fayçal Megherbi, enseignant en droit à l’université de Panthéon-Assas Paris II