Le MRAP salue vivement la décision de la Cour européenne des droits de l’homme qui, jeudi 23 septembre 2010, a condamné la France dans un dossier qui concerne la pratique dite de la « Double peine ». Cette décision confirme clairement le caractère attentatoire aux droits humains de cette pratique qui, malgré un discours contraire des pouvoirs publics, n’a pas du tout disparu depuis sa « réforme » en 2003.
Le plaignant était un Marocain âgé de 32 ans, Monsieur Issam Boussara, qui avait vécu pendant quasiment toute sa vie en France, où il était arrivé à l’âge de trois semaines. Suite à une condamnation – la première de sa vie -, Monsieur Boussara avait passé trois ans en prison puis avait été expulsé vers le Maroc en 2002. L’expulsion l’a éloigné de ses parents qui avaient besoin de lui. Son père âgé de 80 ans avait acquis la nationalité française et était gravement malade. Quant à sa mère, elle est décédée en janvier 2009 des suites d’un cancer, sans que son fils ait pu lui rendre une dernière visite où participer à ses obsèques.
La Cour a estimé que la décision ordonnant l’expulsion de Monsieur Boussara avait violé l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), garantissant à chaque personne le droit au respect de sa vie privée et familiale. Les autorités françaises ont été condamnées à lui verser 3.000 euros.
Cette décision, salutaire, rappelle le caractère discriminatoire et attentatoire aux droits humains de la « Double peine ». Celle-ci consiste à faire condamner un ressortissant étranger à une peine de prison – à laquelle serait aussi condamné tout citoyen français ayant commis le même délit -, mais à y ajouter une mesure d’expulsion à la fin de la durée d’emprisonnement. Cette deuxième peine ne pouvant en aucun cas frapper un ressortissant français.
La loi du 26 novembre 2003 a réformé la « double peine », qui avait fait l’objet de vives contestations. Or, cette peine peut toujours être prononcée pour pas moins de 270 crimes ou délits. La loi de 2003 a cependant créé une protection, toute relative, pour certaines catégories d’étrangers en raison de l’ancienneté de leur séjour, de leur « socialisation en France » ou de leurs liens familiaux.
Aujourd’hui, les pouvoirs publics s’apprêtent à créer de nouvelles formes de « double peine », en prévoyant de retirer la nationalité française à certains délinquants français « d’origine étrangère ». Le MRAP réaffirme son attachement à l’article premier de la constitution qui garantit « l’égalité des citoyens devant la loi », en précisant que cette égalité doit être garantie indépendamment de l’origine ou de la religion. Il soutiendra toute mobilisation contre les doubles peines discriminatoires.