On commémore l’anniversaire de la « marche pour l’égalité des droits », évènement fondateur dans la reconnaissance de l’évolution la population française. Les enfants des dominés devaient devenir des égaux, magnifique exemple de cet esprit français, qui n’en déplaise aux racornis, fait notre ADN. Cependant en regardant les revendications et les événements qui l’ont provoquée, les promesses faites à l’époque : on se demande si le temps ne s’est pas arrêté en 83!
En septembre, le contrôle au faciès était devant le Conseil d’État, la rapporteuse reconnait des cas de discriminations mais pas de politique systémique, elle réprouve le non port du numéro d’identification RIO. On attend les conclusions, mais l’État a déjà été condamné comme en 2021 dans l’affaire des 3 lycéens d’Épinay humiliés au retour d’un voyage : « ciblage » et «faute lourde» …
Aucun gouvernement, malgré des bonnes intentions affichées, n’a pu faire disparaître cette plaie française. Caméra piétons, plateforme de signalement, injonction aux procureurs, rien n’y fait.
Les violences policières, sont factuelles mais heureusement pas la règle. Cependant l’évolution des doctrines policières, la radicalisation de certains (même si la Police est comme l’Armée, un des corps les plus ouvert à la diversité), des conditions de travail rudes favorisent les dérives surtout en l’absence d’une politique d’amélioration des rapports police-jeunesse.
Dans les quartiers, le policier n’est pas le gardien de la paix mais souvent perçu comme un ennemi haï ou redouté, ou comme celui sur qui on ne peut compter pour maintenir la loi républicaine. Un changement est possible mais dans longtemps et requière une formation différente des policiers, et du rapprochement avec la population. C’est une partie de la reconquête par la République des quartiers qui souffrent le plus de l’insécurité n’en déplaise aux radicaux de la droite de l’échiquier.
Les discriminations n’ont plus à être prouvées. Elles ne diminuent pas, elles ne sont que partiellement recensées et punies 40 ans après la marche.
Quand on regarde les interviews de l’époque, on est frappé par l’actualité des revendications, seules les tenues et la langue ont changé.
L’ANRU a beaucoup fait mais humaniser ce n’est pas que rénover. C’est surtout créer un environnement vivifiant, avec des brasseries à la place du kebab, des services publics performants, des médecins…
Et plus que tout, manque la reconnaissance comme citoyen, un regard d’égal à égal indispensable pour un traitement dans l’égalité des droits et pas dans la commisération ou l’hostilité.
Les années 80 et 90 ont lancé l’injonction d’intégration, désormais il faut s’assimiler, mot opposé aux supposés coupables sans chemin donné pour y arriver. La vraie question est celle de savoir à quoi on assimile ces enfants héritiers de l’immigration ? Quelle image s’imprime sur la rétine : celle d’un français, d’un hybride toléré, pas vraiment assimilé à la Communauté ? Pourtant beaucoup y arrivent, se sentent plus français qu’on ne les voit français. On fustige le communautarisme, mais n’est-ce pas en partie lié à la réclusion à l’absence de réponse sur l’identité réelle sur laquelle on doit réfléchir pour sortir des mythes de non appartenance et des clichés d’assignation ?
Que répond la République depuis 40 ans : ANRU, droit du sol, HALDE puis Défenseur des Droits qui à lui seul doit tout embrasser et fini par s’époumoner, ministère de la Ville, sous la tutelle de l’Intérieur comme les foyers SONACOTRA.
Nous avions un secrétariat d’Etat à la citoyenneté sa principale action a été de lutter contre les dérives sectaires, au lendemain des émeutes cet été….
Rien sur l’abstention qui va accoucher du RN au pouvoir !
Pour lutter contre les cancers sources des drames qui souillent notre histoire depuis un demi-siècle, il faut un plan national à l’instar des plans Alzheimer et Cancer, un ministre fort et indépendant avec un agenda clair et des points d’étapes réguliers et des échanges avec les acteurs reconnus, par-delà les idéologies et les chicayas, car nous sommes devant un véritable péril national bien pire que les punaises de lits !
Madjid Si Hocine
Texte paru dans le quotidien « L’Humanité » du 13 octobre 2023