La représentativité de la diversité de la population française pourrait faire rempart au communautarisme

Il y a plus de vingt six ans, était organisé ce qu’on a appelé la
marche mal nommée des « beurs », irruption sur la scène publique d’une
partie de la jeunesse qui clamait son appartenance à la société
française. Ils clamaient haut et fort à cette République qui les
ignorait, comme leurs parents, cette double exigence : exister par une
reconnaissance effective de leurs droits à l’emploi, aux loisirs, aux
logement, au respect ; ils demandaient à la Nation de considérer comme
des français à part entière ces populations des quartiers populaires,
et héritiers de cette immigration post-coloniale.

Depuis la situation n’a guère évoluée pour ceux que l’on cherche
encore à dénommer, faute de considérer qu’ils sont tout simplement des
citoyens français comme les autres, et que l’on se résout à appeler :
« minorités visibles » ou encore « français issus de l’immigration »
quand bien même leur enracinement remonte à trois ou quatre
générations.

Depuis, le constat est accablant. Les discriminations sociales,
spatiales, racistes, et civiques perdurent non seulement à l’endroit
des immigrés, mais aussi à l’endroit de ces français. En outre, preuve
de cette place d’aveugle réservée à ces populations : 36 000 communes
et pas un seul maire issu de la diversité de la population française !
Les bancs de l’Assemblée Nationale, les temples de la République, les
conseils d’administrations des grandes institutions et entreprises
sont bien loin de ressembler aux cours de nos écoles ou aux
amphithéâtres de nos universités !

Pourtant ces populations n’ont jamais atteint un tel niveau de
maturité, les consciences n’ont jamais étaient aussi éveillées !
L’impatience et l’incompréhension face à ce déni le disputent à la
colère et à la rancœur. Le statut quo n’est plus tenable, partout le
mouvement associatif témoigne de l’impatience, qui en organisant des
campagnes d’inscriptions sur les listes électorales, qui en déposant
des cahiers de doléances à l’Assemblée Nationale, avec tous comme
point commun l’appel à l’éveil des consciences citoyennes, ultime
marque d’un reste de confiance dans les institutions.

Malgré des signes d’un début de prise en compte de ces attentes à
gauche comme à droite (la nomination d’une ministre par le
gouvernement Raffarin, le choix de Nicolas Sarkozy de prendre une
porte parole issue de ces populations), malgré la volonté affiché par
le PS et le PC de prendre en compte cette réalité, il semble assez
improbable que les choses changent à brève échéance, aucun engagement tangible sur la représentativité de la diversité n’a été pris
permettant à cette diversité d’accéder effectivement aux lieux de
pouvoir. Tout se passe comme si on acceptait désormais la diversité
pour coller les affiches sur les murs à défaut de la coller sur les
bancs de l’Assemblée nationale.

Cette exigence de diversité est un enjeu de justice, d’égalité de
traitement, mais aussi c’est une chance pour la vitalité démocratique
et la construction du vivre ensemble, un rempart contre l’émergence de
revendications communautaires.

En effet, on répète à toute force que l’absence de renouvellement de
la classe politique est grandement responsable du désintérêt des
électeurs pour la vie publique. On se lamente, de l’absence de
participation aux divers scrutins d’une part croissante du corps
électoral et on est même contraint d’agiter la peur du loup pour
essayer de pousser aux inscriptions sur les listes électorales.

Enfin, le communautarisme est un poison redoutable pour le vivre
ensemble, une menace réelle pour le devenir du modèle républicain dit
d’intégration. Il reste que les avancées et les logiques de ces
revendications émergentes qui s’expriment de plus en plus dans notre
espace publique se fondent souvent sur des discriminations non
reconnues, mais aussi par des renoncements de la République de traiter
tous ses enfants de manière équitable. Et nul doute sans de l’audace,
d’une volonté politique faisant émerger l’obligation de résultat pour
le prochain scrutin, nous aurons et vivrons avec ces revendications
communautaires. Et préparer malgré nous une incontournable
cohabitation entre la République et des formes de communautarismes.

Devant cette revendication irréversible, attendue avec une immense
impatience, l’ensemble de la classe politique, comme ce fut le cas en
partie pour la question de la parité homme-femme, devra se faire
violence, en rompant avec les logiques d’autoreproduction de cumuls ou
de cooptations clientélistes, pour laisser place à cette égalité.
C’est dire que ce sera à l’aune de résultats perceptibles que ceux qui
détiennent le pouvoir ou y aspirent pourraient être eux-mêmes élus ou
défaits car nombreux sont ces populations exigeantes qui sont
inscrites sur les listes électorales. A coup sûr, la diversité fera la
différence dans tous les prochains scrutins.

Laisser un commentaire