Responsable politiques et experts s’interrogent sur l’avenir du monde occidental. Selon certains d’entre eux, il serait menacé, économiquement, démographiquement et stratégiquement. Comment répondre à la montée en puissance des autres pôles de pouvoir ? Ce déclin du monde occidental est-il inéluctable ? Ne s’agit-il pas au fond d’un simple rééquilibrage à la fois souhaitable et sans conséquences dramatiques ?
L’Europe a dominé le monde du 15ème jusqu’au début du 20ème siècle. Les Etats-Unis ont ensuite pris le relais et ont au final supporté assez facilement la concurrence de l’Union soviétique qui n’a fait jeu égal avec eux qu’au cours d’une brève période, de la fin des années 60 au début des années 80. Pourtant une partie des Occidentaux craignent que leurs puissances ne soient remises en cause. Ils craignent que la fin de leur domination se transforme en une défaite pour eux, une remise en cause de leur mode de vie et de leurs libertés. Il faudrait tout d’abord s’entendre sur la définition de monde Occidental. S’agit-il au sens strict du terme, seulement des Européens et des Américains ? S’agit-il de tout le monde « blanc » auquel cas il faut donc ajouter l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou du monde développé industriel, en intégrant le Japon, la Corée du Sud, Taiwan, etc. ? On voit que la définition peut varier. Le Japon était vécu comme une menace sur la sécurité économique des Européens et des Américains dans les années 80. Il ne l’est plus aujourd’hui. La perception de la menace et de la perte de position de force a lieu face à la pression démographique et migratoire des pays africains, à la pression politique d’une religion en expansion, l’Islam, et à la pression économique de deux géants en expansion l’Inde et la Chine. Il est évident que la position dominante des Occidentaux qui sont les pays les plus riches ne peut pas durablement être conservée, les Etats-Unis représentent 26% du PIB mondial, l’Europe 25%, le Japon 11%. Les pays occidentaux qui sont les principaux consommateurs des matières premières et d’énergie dont la monnaie est celle du commerce international qui maîtrisent les circuits économiques et possèdent une supériorité militaire. Mais est-il concevable qu’1/6ème de l’humanité puisse durablement utiliser les 5/6èmes des richesses mondiales ? Un rééquilibrage va s’effectuer forcément, nécessairement. Le développement d’autres économies devraient faire diminuer ce pourcentage. Mais si la part relative des Occidentaux dans la richesse mondiale va diminuer, cela ne veut pas dire que les Occidentaux vont s’appauvrir dans l’absolu. Le développement économique n’est pas un jeu à somme nulle ou le développement des uns se traduirait automatiquement par l’appauvrissement des autres. Au contraire, tout le monde peut gagner ensemble. Dans le cas de la Chine, il pourrait presque s’agir d’un retour puisque la très forte progression de la Chine ne lui permettrait que de reprendre d’ici la moitié du 20ème siècle la part dans l’économie mondiale qu’elle occupait au début du 19ème. Le monde arabe, l’Amérique latine connaissent aussi un décollage économique. L’Afrique pourrait en faire de même. Ne doit-on pas s’en féliciter plus que de s’en inquiéter ? S’il est légitime pour tout ensemble de vouloir préserver une position avantageuse, tous les moyens ne sont peut-être pas pertinents. Si le monde occidental voulait à tout prix maintenir le rapport de force existant aujourd’hui et était tenté par des solutions de force pour le faire, il s’exposerait à de graves désillusions et même à des risques certains. Il maintiendra d’autant plus facilement ses positions ou du moins limitera leur érosion qu’il accepte un certain rééquilibrage dont il peut tirer parti.
L’autre débat porte sur les valeurs occidentales. Sont-elles contestées par les autres civilisations comme le pensent certains responsables ? Faut-il dès lors conserver une suprématie militaire comme le suggère certains afin de les préserver ? Il y a là une très grave erreur d’interprétation. Ce qui est reproché au monde occidental dans les autres parties du monde ce ne sont pas leurs valeurs, mais plutôt leur non-respect par les Occidentaux eux-mêmes. Lorsque les Occidentaux sont cohérents et pratiquent eux-mêmes les valeurs qu’ils prônent, celles-ci ne sont pas contestées ou seulement par des faibles minorités. Mais si les valeurs sont interprétées selon des doubles standards avec une géométrie variable, il est certain qu’elles sont remises en cause. On ne peut pas prôner la démocratie, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, la liberté des individus et pratiquer la guerre préventive, l’occupation militaire, légaliser l’usage de la torture ou accepter Guantanamo. On ne peut pas non plus réclamer l’ingérence dans certains cas, et la refuser dans d’autres, selon qu’elle concerne des régimes amis ou non. C’est par la cohérence avec ses propres principes que le monde occidental préservera le mieux ses positions.