L’année dernière, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE) avait été saisie par les syndicats de praticiens à titres extra-communautaires au sujet du traitement discriminatoire réservé à ces professionnels de la santé en raison de l’origine de leur diplôme initial.
A l’époque, cette question n’avait pas encore été portée sur la place publique même si depuis de nombreuses années des mouvements revendicatifs ont été menés à l’initiative du SMPLUS, du CMDE, du GISTI, de la LDH…
Dans sa délibération du 27 février 2005, la Halde tranchait sans ambages comme suit : « [Le] dispositif faisant participer les praticiens hospitaliers diplômés en dehors de l’Union Européenne à l’exercice de la médecine sans possibilité de l’exercer pleinement constitue une discrimination » ou encore « l’organisation de la pratique hospitalière consacre l’inégalité des praticiens diplômés à l’étranger ». Le Collège de la Halde donnait un délai de quatre mois au Ministère de la Santé et des Solidarités pour faire des propositions de solutions à cette problématique ancienne qu’il devait lui soumettre.
Depuis, de multiples réunions multipartites ont eu lieu et aucun consensus n’a pu se dégager. Puisque du point de vue des autorités du ministère de la Santé, il n’est pas possible de prendre en compte l’expérience des praticiens acquise en France et que celle-ci ne peut servir de fondement à une reconnaissance. Toute attitude contraire serait une porte ouverte à un effet de « contamination » et une injustice par rapport au sort malheureux des étudiants recalés au concours malthusien de première année de médecine.
Il a donc été décidé que serait inséré, dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale, un article comportant des propositions d’amendement de la procédure actuelle d’autorisation, il s’agit de l’article 41. Celui-ci vient d’être adopté tel quel par l’Assemblée Nationale. Malheureusement, il apparaît, à de nombreux égards, que non seulement ces modifications ne corrigeront pas les discriminations et les inégalités existantes, mais de surcroît, elles en créent d’autres.
Ainsi, le législateur continue-t-il de nier la valeur des diplômes de spécialités acquis dans les universités françaises, calqués sur le diplôme de spécialité français (DIS), ou mieux encore la qualité de la formation de ceux ayant fait leur deuxième et troisième cycle là aussi dans les facultés françaises. Ainsi, propose-t-il de n’exonérer d’une évaluation écrite supplémentaire qu’une infime partie seulement de ces professionnels en exercice depuis de nombreuses années.
Le projet d’amendement ne corrige toujours pas une discrimination mais en perpétue une autre encore plus scandaleuse, celle imposée aux lauréats de la dite NPA (Nouvelle Procédure d’Autorisation) dont, d’une manière inexplicable, le statut est encore plus défavorable que le statut d’assistant associé « classique ». Statut qu’ils ont souvent connu avant leur succès à l’examen et qui avait été déjà qualifié de discriminatoire par la HALDE. Paradoxalement, dés lors qu’ils sont reçus à l’examen, ils perdent le droit à la RTT, aux congés formation, droits dont ils avaient pu bénéficier dans le cadre de leurs fonctions précédentes et cela pendant une période qui peut s’étaler jusqu’à 3 ans !
La procédure d’autorisation telle que redéfinie laisse encore une nouvelle fois une place discrétionnaire au choix du Ministère dans le nombre de reçus à tous les niveaux de la procédure. La logique des quotas a clairement été mentionnée dans le pré-projet au moment où la référence a été faite au nombre d’autorisations qui ne pourrait être en aucun cas supérieur à 10 % du nombre d’étudiants admis au concours de première année.
Il apparaît donc que les choix retenus ne répondent ni à la demande de la HALDE ni à celle des victimes. Le texte devrait être adopté prochainement au Sénat. C’est pourquoi la HALDE a été de nouveau saisie. Là encore, elle rend un diagnostic clair : le projet ministériel ne constitue pas une réponse au problème de la discrimination. « Le projet de loi ne permet donc pas de palier les carences de la procédure discrétionnaire », et plus loin, « le Collège décide de porter cette délibération à la connaissance des rapporteurs du projet de loi à l’Assemblée Nationale et au Sénat ainsi qu’aux présidents des commissions des affaires sociales des deux assemblées ».
Souhaitons que la Halde soit enfin entendue. Sinon comment imaginer ensuite que l’on puisse lui demander de faire la chasse aux discriminations dans les entreprises. Si la Halde dépiste une discrimination organisée par l’Etat et ce dernier s’entête à la perpétuer, donnant par là même le plus mauvais des exemples, comment dès lors prétendre que les institutions veulent s’atteler à combattre les discriminations.