Un nouvel ouvrage de Kamel Meziti, historien des religions et contributeur régulier de votre site.
A la lumière de l’actualité politique de ces dernières années et des débats qui ont beaucoup tournés autour de la confusion habituelle entre islam, islamisme et désormais terrorisme qui a remplacé le pitch has been désormais: « islam-immigration-insécurité »
Un ouvrage paru aux éditions L’Harmattan qui apparait comme une contribution éclairante au débat qu’il faut absolument lire.
« 2022 est une année charnière pour le devenir de la France. La campagne présidentielle a révélé nombre de fractures dans la société. Notre pays est comparable à un accidenté de la route polyfracturé. A son chevet se succèdent les anesthésistes, infirmières, médecins et autres chirurgiens. Tous sont aux bons soins d’un patient sous perfusion, qui se tortille, qui souffre. Mais comme dans tous les corps de métiers il y a les bons soignants et les autres. Ceux qui s’acquittent de leur mission avec professionnalisme et humanité pour le bien-être du patient, qui essayent de tirer le meilleur du protocole sanitaire au bénéfice du patient et il y a les autres… Ceux qui aggravent l’état du malade en appuyant par inadvertance sur les fractures du patient, qui accentuent la douleur, retardent encore plus la rémission voire mettent en péril la vie du patient.
La campagne 2022 pour la conquête de l’Elysée est symptomatique : elle a mis au grand jour une société clivée, inquiète, phobique en raison d’une crise multifactorielle : politique, économique, sociale, identitaire, civilisationnelle. Une crise accrue par une défiance collective vis-à-vis des partis politiques classiques avec à leur tête des dirigeants plus politiciens et démagogiques collés aux sondages alors que les Français peinent, souffrent au quotidien, sont confrontés à une dure réalité : celle du chômage, du mal-logement, de la précarité énergétique, de l’insécurité…Une réalité qu’une certaine classe politique semble ignorer tant elle en est déconnectée. Face aux enjeux planétaires réels tels que le climat, les Français comme d’autres sont autant préoccupés par la fin du mois que la fin du monde. « Gouverner c’est prévoir ! » Le précédent de la crise des Gilets jaunes au début du quinquennat Macron aurait dû permettre de mieux prévoir, mieux anticiper les remous sociaux causés par la crise énergétique, un pouvoir d’achat durement impacté et la montée de l’insécurité dont le premières victimes sont justement ces « oubliés de la République », ces populations de la France profonde, du terroir, et celles aussi de ces quartiers dits « sensibles », ghettoïsées, en proie à la misère économique et culturelle, aux discriminations, aux barons de la drogue ou à certains extrémistes religieux qui leur promettent le paradis en Syrie ou en Irak, dans l’au-delà alors qu’ils galèrent ici-bas.
C’est dans ce contexte anxiogène accru par le danger terroriste que l’extrême droite, dans une alliance objective avec les terroristes, capitalise les phobies et alimente la division. Une division qui appuie sur les vieilles fractures, en provoque de nouvelles qui à leur tour affaiblissent notre pacte social, décrédibilisent la République et font le jeu des incendiaires de la démocratie. En son temps, un Marc Bloch évoquait la « défaite de la démocratie ». Aujourd’hui c’est la démocratie et la liberté d’expression qui sont convoquées pour injurier une communauté essentialisée comme un tout homogène, réduite par certains en « cinquième colonne ».
« La République gouverne mal mais elle se défend bien », disait Anatole France. Marianne se défend bien… contre une composante silencieuse de notre pays qui souffre d’être traitée comme le paillasson de la République. Qui souffre de ces raccourcis, ces amalgames pernicieux, ces injonctions récurrentes, ces assignations à citoyenneté limitée … Ces musulmans de France qui ne peuvent se résigner à être systématiquement assimilés aux thèmes florissants de « séparatisme islamique, djihadisme, Grand remplacement, immigration, insécurité, déchéance de nationalité… ». Des musulmans quotidiennement corrélés, associés aux problèmes de la société française. Rarement aux réussites de ce pays, à la plus-value qu’ils apportent à la Nation. D’ailleurs, l’islam lui-même est devenu un « problème » dans la bouche de nombreux commentateurs cathodiques et les musulmans, même citoyens, ne seraient que « Français de papier » et « pas de cœur »
Rappeler les valeurs républicaines, scander la devise « Liberté, Egalité, Fraternité » dans des beaux discours est une chose. Les consolider sur le terrain dans un esprit d’équité et de bienveillance, en s’en donnant les moyens, en rassemblant, en est une autre. Sans fracturer la cohésion nationale, sans blesser plusieurs millions de nos concitoyens stigmatisés par les sirènes de la haine et les pyromanes du vivre-ensemble. En restaurant la fraternité, l’union dans la diversité, le respect, la tolérance mutuelle … tout ce qui constitue le ciment de notre cohésion et fait la grandeur de cette France ouverte, héritière des Lumières. «