« Après l’assassinat de caricaturistes, après l’assassinat de jeunes écoutant de la musique, après l’assassinat d’un couple de policiers, après l’assassinat d’enfants, de femmes et d’hommes assistant à la célébration de la fête nationale, aujourd’hui l’assassinat d’un prêtre célébrant la messe… L’horreur, toujours plus d’horreur et la volonté très claire maintenant de dresser les Français les uns contre les autres. Pour détruire la concorde nationale qui tient encore.
Nous musulmans étions silencieux parce que nous avions appris qu’en France la religion est une affaire privée.
Nous devons parler maintenant parce que l’islam est devenue une affaire publique et que la situation actuelle est intolérable.
« L’organisation actuelle de l’islam de France qui n’a aucune prise sur les événements »
En tant que musulmans, de foi ou de culture, nous sommes concernés par l’impuissance de l’organisation actuelle de l’islam de France qui n’a aucune prise sur les événements.
Malgré les efforts de personnalités engagées, l’islam de France est – mal – géré par des représentants des pays dont sont issus beaucoup de musulmans français. Cette organisation avait probablement un sens quand les musulmans étaient des immigrés. Or, aujourd’hui, les musulmans de France sont à 75% français. Ils sont majoritairement jeunes, voire très jeunes. Nombre d’entre eux sont la proie d’idéologues de l’islam djihadiste mais aussi de l’islamisme politique. Les représentants traditionnels ne les comprennent plus car ils ne les connaissent pas tout simplement.
« Mener enfin la bataille culturelle contre l’islamisme radical »
Alors, il faut changer de générations, avec un projet d’organisation clair : donner des sources de financement pérennes et transparentes aux mosquées, former et salarier des imams, faire le travail historique, anthropologique et théologique qui permet et permettra encore plus demain d’être français et musulman dans une République laïque. Et mener enfin la bataille culturelle contre l’islamisme radical, auprès des jeunes et des moins jeunes, avec les moyens de production les plus modernes et les techniques de diffusion des idées et des informations les plus efficaces.
Il faut agir donc en tant que musulmans.
« Il faut agir et prendre nos responsabilités »
Mais aussi en tant que Français. Nous devons répondre à l’interpellation de la société française qui nous dit : « Mais, où êtes-vous? Que faites-vous? »
Certes, cette interpellation est paradoxale : on nous a appris à faire de la religion une affaire privée. Pourquoi dès lors prendre la parole en tant que musulmans? Parce que le risque de fracture entre les Français est chaque jour plus important.
Alors, avant qu’il ne soit trop tard, avant que la violence ne dresse les Français les uns contre les autres – ce qui est l’objectif de Daech –, il faut agir et prendre nos responsabilités. Et dépasser l’injonction paradoxale : « Faites disparaître vos différences ; condamnez parce que vous êtes différents. »
À force de travail et d’abnégation personnelle mais aussi parce que la République a fait son travail, nous avons, comme nos autres concitoyens, pris notre place dans la société française. Et aujourd’hui, cette génération est prête à assumer ses responsabilités et notamment l’organisation de l’islam de France.
« Parce que la France en a besoin »
Une Fondation pour l’islam de France avait été créée il y a plus de dix ans. Elle n’a jamais fonctionné. Il est temps de la réactiver maintenant, de lui donner la capacité de collecter des ressources. Les Français de confession musulmane sont prêts à la relancer, à l’animer, à contribuer à son financement. Cette Fondation, au niveau national comme au niveau régional, peut être l’institution qui permettra l’organisation de l’islam de France. Au-delà, c’est à un travail quotidien d’explication, de mise en perspective, d’action sociale et culturelle que nous sommes prêts à nous atteler.
En tant que Français, en tant que musulmans. Parce que la France en a besoin. »
Les signataires
Kaci Ait Yala, chef d’entreprise ; Najoua El Atfani, cadre entreprise BTP, administratice club XXIe siècle ; Rahmene Azzouzi, chef du service urologie, CHU d’Angers ; Linda Belaidi, dirigeante EASI (European Agency for Strategic Intelligence) ; Tayeb Belmihoub, auteur, comédien ; Sadek Beloucif, chef du service anesthésie réanimation, hôpital Avicenne, ex-membre du Comité national d’éthique ; Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et d’addictologie ; Nadia Bey, journaliste ; Abdennour Bidar, philosophe, inspecteur général de l’éducation nationale ; Antar Boudiaf ; Hamou Bouakkaz, conseiller d’arrondissement, ancien adjoint au maire de Paris ; Marc Chebsun, auteur, éditorialiste ; Abdelnor Chehlaoui, banquier d’affaires ; Fatiha Gas, directrice d’un établissement d’enseignement supérieur ; Mohamed Ghannem, chef du service cardiologie, Fondation Léopold-Bellan ; M’jid El Guerrab, ancien conseiller du président du Sénat ; Kamel Haddar, entrepreneur (éducation et média) ; Abderrahim Hafidi, universitaire, islamologue ; Sofiène Haj Taieb, DG Finances, fonds d’investissement ; Khalid Hamdani, chef d’entreprise, membre du Cese ; Madjid Si Hocine, médecin ; Mehdi Houas, président Talan (conseil informatique), ancien ministre ; Elyès Jouini, professeur d’université, vice-président d’université, ancien ministre ; Hakim El Karoui, ancien conseiller du Premier ministre, chef d’entreprise ; Bariza Khiari, sénatrice de Paris ; Saadallah Khiari, cinéaste, auteur ; Shiraz Latiri, cadre, société d’assurance ; Kamel Maouche, avocat au barreau de Paris ; Kaouthar Mehrez, ingénieur ; Malika Menner, directeur des Relations externes d’un grand groupe télécom ; Louisa Mezreb, PDG Facem management ; Naima M’Faddel, adjointe au maire de Dreux, chargée de l’action sociale ; Pap’Amadou Ngom, PDG Des systèmes et des hommes ; Bouchra Rejani, directrice générale d’une société de production audiovisuelle ; Mahamadou Lamine Sagna, sociologue, chercheur à Paris-VII ; Nadir Saïfi, juriste ; Yasmine Seghirate, responsable de la communication pour une organisation internationale ; Mohsen Souissi, ingénieur ; François-Aïssa Touazi, fondateur CAPmena, ancien conseiller du ministère des Affaires étrangères ; Farid Yaker, président forum France Algérie ; Faiez Zannad, professeur de thérapeutique-cardiologie, CHU Nancy, université de Lorraine.