Si la récente visite de François Hollande en Algérie aura permis de réaliser de réelles avancées dans des domaines sensibles qui empoisonnent les relations franco-algériennes, un certain nombre de conditions devront néanmoins être réunies pour permettre une relance des relations entre les deux pays « à un niveau conforme au potentiel et aux aspirations des deux peuples (2) ».
Sur la question mémorielle, le président français a fait un grand pas en avant en reconnaissant dans le discours qu’il a prononcé le 20 décembre 2012 à Alger que l’Algérie avait été soumise durant 132 ans à un système« injuste et brutal ». Il a par ailleurs eu le mérite de baliser la route devant aboutir à la paix des mémoires en mentionnant la nécessité d’ouvrir les archives aux historiens et d’engager une coopération pour que la vérité soit dite « sur la violence, sur les injustices, sur les massacres, sur la torture » ainsi que « sur les circonstances dans lesquelles l’Algérie s’est délivrée du système colonial ». En parlant de « devoir de vérité » et en reconnaissant que cette dernière « n’abîmait pas, mais qu’elle réparait »,François Hollande a fait sauter un verrou essentiel sur la voie de la paix mémorielle avec l’Algérie. Il a par la même occasion encouragé le travail d’examen du passé colonial de la France qui est loin d’être achevé. Sur ce point, François Hollande aurait dû dire à Alger que la France avait manqué à ses valeurs universelles tout au long de la période coloniale et non seulement à Sétif, le 8 mai 1945.
Le second abcès de la relation franco-algérienne sur lequel François Hollande a eu des mots encourageants est celui de la question de la circulation des personnes. Le président français a ainsi eu raison de souligner le besoin d’amplifier « les allers-retours des étudiants, des entrepreneurs, des artistes, des familles » pour mieux faire vivre la relation franco-algérienne et de rendre plus humaines et efficaces les procédures d’attribution des visas. Sur ce point comme sur d’autres, il sera intéressant de voir quelles mesures concrètes seront proposées pour passer des déclarations d’intention aux actes.
La visite de François Hollande aura également permis la signature de divers accords de coopération. Dans ce domaine, il s’agira de veiller à ce que l’appui de la France soit en phase avec les besoins réels de l’Algérie et de son peuple ainsi qu’avec les engagements internationaux des deux pays en matière notamment de soutien à des politiques de croissance économique durable et équitable. Les défis sociaux et environnementaux en cours en France comme en Algérie (aggravation des inégalités et de la pauvreté, développement urbain non durable et inéquitable, etc.) imposent en effet de repenser les modèles de développement et donc de remodeler les politiques de coopération entre les deux pays. Sur ce registre, il est regrettable que la question de l’apport considérable que pourraient faire les Franco-Algériens (et tous ceux qui portent l’Algérie dans leur cœur) au développement de ce pays n’ait pas trouvé sa place dans le discours de François Hollande ou dans la Déclaration d’amitié.
Au final, si le voyage d’Alger aura permis de déminer le terrain de la relation franco-algérienne, il n’en demeure pas moins qu’un certain nombre d’entraves devront être levées pour que cette relation prenne réellement son essor. On citera ainsi en premier lieu le code de l’investissement et sa règle du 51 %-49 % qui freine l’investissement étranger en Algérie, ou la nouvelle loi associative qui limite les relations entre les acteurs associatifs des deux rives. Le partenariat franco-algérien ne pourra par ailleurs tenir toutes ses promesses que s’il s’ouvre pleinement aux acteurs des sociétés civiles et à toutes les forces vives des deux pays qui devront être pleinement associés aux actions de coopération et au suivi des engagements pris par les deux présidents en décembre 2012.
(1) http://www.forumfrancealgerie.org/
(2) Déclaration d’amitié d’Alger.
YAKER Farid
Texte paru initialement dans le journal La Croix