Monsieur le président de la République française,
Lycéenne française d’origine algérienne et allemande, j’ai été profondément choquée par la proposition de loi sur la déchéance de nationalité. Je ne suis certainement pas la seule jeune dans ce cas. Nous, jeunes adultes, nous intéressons également à l’actualité politique, mais on ne nous laisse pas la parole. Nous voulons prendre part aux débats dont nous sommes constamment écartés. C’est pourquoi aujourd’hui, je m’adresse à vous.
« Lutter contre le terrorisme, à quel prix? »
Vous devriez certainement revoir les réels effets qu’aura cette politique. Les Français qui décident de faire le djihad ne se considèrent déjà plus comme tels, je doute fortement que cette loi puisse avoir un quelconque impact sur eux. Ces hommes sont des « martyrs », ils sont prêts à mourir pour défendre leur cause, pensez-vous qu’ils auront besoin de leur passeport français dans leur tombe?
« Une loi qui ne s’adresse qu’aux Maghrébins »
Ce projet ne fait que stigmatiser une partie de la population française. Etant moi-même d’origine algérienne, je me sens particulièrement visée par votre proposition. Et ma future descendance également puisque cela signifie que mes enfants n’auront pas les mêmes droits que des enfants nés uniquement français.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 stipule, dès son article premier, que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Adopter cette loi revient à bafouer tout ce en quoi nous croyons, à moins de faire en sorte qu’elle s’applique à l’ensemble des Français et non aux seuls binationaux. Si vous voulez faire adopter cette loi, oubliez le politiquement correct, cessez l’hypocrisie et faites-en sorte qu’elle ne s’applique qu’aux Maghrébins, car ce sont bien eux qui sont visés!
« Des conséquences désastreuses »
Le projet de réforme tel que vous le proposez là n’est pas ce qui me fait le plus peur. Je crains surtout les dérives qui pourraient suivre et avoir des effets bien plus désastreux. Aujourd’hui, elle ne s’adresse qu’aux binationaux condamnés pour terrorisme, mais demain? Je vous rappelle qu’au second tour des élections régionales, près de six millions de Français ont mis dans l’urne un bulletin Front national. La menace d’une arrivée au pouvoir de ce parti d’extrême-droite est réelle.
Monsieur le Président, vous n’êtes pas sans savoir que votre mandat ne fait pas l’unanimité auprès des citoyens français et vous savez qu’un second quinquennat est compromis. Cependant, en proposant cette loi, vous tentez de séduire votre électorat de droite, voire d’extrême-droite, en prévision des élections de 2017. Mais n’oubliez pas que ce sont les voix de gauche qui vous ont amené à l’Elysée. Vos électeurs attendent de vous que vous meniez une politique en conséquence plutôt qu’une course auprès de l’opinion publique. Je reste persuadée que vous saurez prendre la bonne décision.
Myriam Yaker