L’affaire de la femme voilée verbalisée au
volant et de son conjoint soupçonné de polygamie, apparue d’abord comme une aubaine pour la droite, a attisé la polémique au sein de la classe politique sur l’opportunité et l’efficacité d’une loi d’interdiction générale du voile intégral. Durant tout le week-end, gauche et droite se sont écharpées sur ce sujet qui s’est emballé vendredi quand le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a demandé à son collègue Eric Besson (Immigration) d’étudier une éventuelle déchéance de la nationalité française d’un homme, conjoint d’une jeune femme verbalisée, début avril à Nantes, pour conduite en niqab (voile intégral, ndlr). « H.L », comme il se présente lui-même, est soupçonné par M. Hortefeux d’être polygame -il aurait quatre femmes toutes voilées et douze enfants selon le ministre – et de fraude aux aides sociales (ses femmes ou concubines percevraient l’aide pour parent isolé). En outre, il appartiendrait, selon le ministre, à la mouvance radicale du « Tabligh ».
En plein débat sur l’opportunité et l’efficacité d’un projet de loi
d’interdiction générale du port du voile intégral, l’affaire, d’abord apparue
comme une aubaine pour la droite, a pris un tour polémique.
L’UMP a salué la fermeté de M. Hortefeux tandis qu’à gauche, on s’est
étonné, à l’instar du député-maire de Nantes et chef de file des députés PS, Jean-Marc Ayrault, de cette coïncidence de calendrier, au point d’y voir une « opération politicienne ».
« Hortefeux a eu raison de mettre les pieds dans le plat », s’est félicité
dimanche le chef des députés UMP, Jean-François Copé. « Ce qu’a dit Brice Hortefeux est frappé au coin du bon sens et rappelle qu’en France, il y a des droits et des devoirs », avait jugé samedi le numéro un de l’UMP, Xavier Bertrand.
Après M. Ayrault, qui a demandé pourquoi le gouvernement feignait
aujourd’hui de découvrir « une situation connue depuis longtemps par les
services de l’Etat » et n’avait rien fait avant, Julien Dray a dénoncé « un
montage politique », la construction « d’un scénario de dramatisation ». Le tout visant, selon lui, « à préparer un contexte idéologique pour préparer les termes du débat de la présidentielle » de 2012. « Que la droite joue avec ça, n’est pas une bonne méthode », a dit Manuel Valls (PS), favorable à une loi d’interdiction du voile intégral. « Une instrumentalisation », a renchéri François Hollande.
Marie-George Buffet (PCF) avait dénoncé samedi « une opération politicienne du plus mauvais goût » qui « fait le jeu des intégristes ».
Soutenant M. Hortefeux, Jean-Marie Le Pen (FN) a estimé que « le plus
important » n’était pas que les conjointes « portent le voile intégral », mais
« qu’elles bénéficient de l’allocation de parent isolé ». Le collectif des mosquées de Nantes a protesté contre la médiatisation de cette affaire en s’indignant d’une « stigmatisation systématique ». L’islamologue Tariq Ramadan a jugé lors d’une conférence à Nantes que M. Hortefeux « trahi(ssait) les valeurs de la France » avec sa demande d’une
l’éventuelle déchéance de la nationalité française. M. Besson a prévenu les étrangers demandant la nationalité française à « se
préparer à l’idée qu’ils devront plus que jamais respecter l’équilibre des
droits et devoirs de la République ».
Interrogé par l’AFP dimanche, le procureur de Nantes, Xavier Ronsin, qui n’a été saisi « à ce jour d’aucune plainte », s’est montré « prudent » sur la polygamie, car « si un homme est marié civilement mais a cinq maîtresses, l’adultère n’est plus puni par la loi ».