Le séparatisme religieux

Le président Macron a fait plusieurs annonces qui sont supposées être le prélude à d’autres.
Il choisit d’éviter l’écueil du terme communautarisme qui a été trop souvent utilisé injustement comme un repoussoir pour les défenseurs des droits des minorités.
Il le remplace par celui de « séparatisme religieux islamiste » dont l’avenir dira s’il s’imposera.
Il entend lutter contre l’Islam consulaire qui se traduit par l’envoi d’imams et d’enseignants des cultures « originelles ». Il faut rappeler que ces programmes d’enseignements datent de l’époque où Lionel Stoléru tentait de promouvoir sous Giscard le retour « au pays  » de ceux que l’on veut désormais intégrer ou assimiler.

Le discours apparait assez équilibré d’autant que l’on met aussi en avant des mesures avec une touche sociale sur l’aide aux associations qui sont sinistrées faute de soutien budgétaire, malgré un travail invisible toujours plus efficace que le néant actuel.
La reconquête des quartiers en état d’abandon républicain devrait être étendue et on attend de voir de quelle manière, car on n’invente pas la poudre tous les jours.

C’est surtout à l’aune des moyens mobilisables que seront jugées les annonces présidentielles dans un contexte qui n’est pas propice aux largesses. Comment maintenir les programmes de rénovation urbaines, d’ouverture des quartiers pour lutter contre un autre repli qui lui favorise l’activité des trafiquants ? D’où viendront les policiers nécessaires pour la restauration d’un ordre républicain dans les quartiers populaires dont l’abandon à la « loi naturelle », celle de la loi des plus forts est une discrimination supplémentaire ? Comment sera récompensé le travail de ceux qui travaillent dans ces quartiers pour qu’ils le fassent par choix et non par défaut ou comme pour les professeurs pour gagner plus vite des points qui permettront de muter. Car ils ont un rôle crucial, celui de hussards de l’ordre républicain sur lequel il y a beaucoup à faire. Comment s’opposer aux prédicateurs qui ont réponse à tout et savent vendre des certitudes, ce que la République ne sait plus faire.
Mieux encore, qui seront ces futurs imams chargés de remplacer ceux formés par le Maroc, l’Algérie voire la Turquie qui pour le coup ont au moins l’avantage d’avoir une formation théologique solide ? Qualification en tout cas meilleure que celle de ceux qui s’improvisent « cheikh » après une formation sur you tube et qui sont vecteurs de messages réducteurs, simplistes et souvent obscurantistes.
Qui sera capable de mettre en place les enseignements nécessaires à l’arrivée de ces imams « français » ? Le CFCM qui jusque-là, a été incapable de gagner en crédibilité ou en production de référence religieuse pour la population française de confession musulmane. Institution dirigée peu ou prou par les mêmes depuis son accouchement au forceps par Nicolas Sarkozy et qui savent seulement s’organiser pour se répartir le pouvoir à tour de rôle. Les réticences du ministère de l’Intérieur actuel et de ces prédécesseurs soulignent bien la difficulté de trouver des interlocuteurs fiables et solides.
Par ailleurs qui contrôlera, la noria d’associations qui enseignent l’arabe et le Coran aux jeunes enfants et dont certaines mériteraient sans doute plus d’attention sur les messages qu’elles diffusent. Comment évaluer les professeurs de langue arabe, alors qu’il n’existe au niveau national que trois inspecteurs ?

Par-dessus tout pour limiter ce repli sur la communauté qui n’est souvent que la conséquence des « rebuffades » subies, il y a là un véritable chantier sur lequel quoi qu’il en dise le gouvernement actuel a encore peu fait.
On attend ainsi par exemple les propositions de monsieur Denormandie sur la lutte contre les discriminations qui tardent à se mettre en place où des mesures d’un gouvernement qui n’a pas su impulser de dynamique sur la promotion de ce qu’il est convenu d’appeler la visibilité de la diversité que ce soit dans les ministères, les grandes administrations et les sociétés contrôlées par l’état, les media publics… Sans une grande campagne de promotion de figures issues de l’immigration, on aura sans doute plus de mal à expliquer à la jeunesse que la réussite républicaine n’est pas qu’une vue de l’esprit. On ne mesure pas bien les vertus cette exemplarité, pourtant tout le monde se souvient du choc produit par la nomination d’une garde des Sceaux dénommées Rachida Dati ou de l’influence de la présence d’un Rachid Arhab sur la perception de « l’arabe » dans la tête des téléspectateurs.
Les rapports sur les discriminations à l’embauche, au logement s’empilent et convergent depuis 15 ans. On attend toujours les mesures véritables contre le contrôle au faciès… Des pas ont été faits sur le dédoublement des classes primaires réclamé depuis si longtemps mais il reste tant à faire sur les discriminations à l’emploi de ceux qui ont réussi ? Où est la cohérence qui voudrait que si l’on promeut la réussite scolaire, il faut qu’elle soit complétée par des ouvertures professionnelles proportionnées. La lutte contre les inégalités contrairement à l’enseignement de l’histoire ne supporte plus le temps long. On invoque le « name and shame », juste bon à donner un peu plus de travail au chargé et on est réticent à le mettre en œuvre… Il manque un véritable élan.

Et enfin comment se proposer de lutter contre le séparatisme islamiste sans se trouver face à la contradiction de vouloir lutter contre l’Islam consulaire tout en continuant d’avoir des relations si étroites et ne rien vouloir imposer aux états qui sont les promoteurs et les financeurs d’un Islam de Mathusalem, malthusien pour les musulmans ? Quand on parle d’islamisme conquérant, peu perçoivent que cette problématique touche l’Occident mais aussi et surtout l’ensemble des pays musulmans qui ont vu se transformer l’Islam traditionnel serein et pluri séculaire en un néo Islam qui réduit la religion à une somme d’interdits et de prescriptions qui obsèdent l’esprit et freinent la spiritualité.
Peu ont le courage de dire que si l’on dine avec le diable, il faut une longue cuillère et donc redéfinir nos relations avec des pays qui sont des clients essentiels, comme le Qatar et l’Arabie Saoudite, ce que savent faire les américains quand ils en ont besoin et ce dont l’Europe est incapable.

Il y a souvent loin de la parole aux actes et le gouvernement actuel s’il ne veut pas se contenter d’un simple effet d’annonce va devoir montrer au moins autant de détermination que celle qu’il a pour faire passer sa réforme des retraites…

Madjid Si Hocine

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