Paris, le mardi 26 septembre 2017 – Ce 26 septembre, le préfet du Gard Didier Lauga est cité à comparaître en tant que représentant de l’État, assigné pour « mise en danger de la vie d’autrui » par quatre détenus de la maison d’arrêt de Nîmes. Une telle procédure pénale est une première. Elle a peu de chance de succès. Le parcours juridique sera de fait long et semé d’embûches. L’avocat des quatre prisonniers doit ainsi aujourd’hui soulever une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), interrogeant l’inégalité de traitement devant la loi ; L’État ne pouvant, en France, répondre pénalement de ses actes (et ce de tout temps). Maître Khadija Aoudia n’ignore pas les faibles chances de réussite de son entreprise : « Je serai agréablement surprise si ma QPC passe le filtre de la cour d’appel de Nîmes » admet-elle dans les colonnes du Parisien.
Surpopulation
Cependant, l’avocate a fait le choix de cette procédure risquée pour lancer un signal d’alerte au gouvernement et à l’opinion publique. A l’instar de nombreux autres établissements, la prison de Nîmes se caractérise en effet par une surpopulation dangereuse avec 400 détenus pour 190 places. Cette situation fait le lit d’une insalubrité délétère. Ainsi, Maître Khadija Aoudia estime que la prison a « exposé les personnes détenues et le personnel pénitentiaire à un risque immédiat de mort ou de blessures » en raison de la « surpopulation carcérale (…) l’incarcération de personnes atteintes de pathologie mentale mise en cellule avec des personnes particulièrement vulnérables (…), l’incarcération de personnes atteintes de maladies transmissibles (VIH, hépatite B, etc.), l’insalubrité ».
Dix-sept condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme
Si une telle action au pénal est une première, la justice s’est régulièrement penchée sur les conditions de détention en France et a souvent donné tort à L’État. L’Observatoire international des prisons (OIP) a ainsi recensé dix-sept condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme « en raison de conditions de détention violant l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui prohibe la torture et les traitements inhumains ou dégradants. Ces condamnations concernent les conditions matérielles auxquelles les détenus sont soumis, des manquements aux soins médicaux ou encore des défaillances dans la prise en charge de personnes qui se sont suicidées en prison » précise l’institution. L’OIP a régulièrement été à l’origine ces dernières années d’actions formées devant la justice administrative : de Fresnes aux Baumettes (à propos desquels le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions il y a quatre ans), ces poursuites reposent toujours sur la même constatation de conditions d’incarcération dégradantes et dangereuses.
Détenus atteints de pathologie mentale : la double peine
Si les condamnations peuvent conduire à des restructurations ponctuelles, elles n’ont pas encore contribué à un débat plus large sur l’incarcération en France. Ce dernier paraît pourtant essentiel et devra notamment concerner le sort des personnes atteintes de maladies mentales. Selon un récent rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, 30 % des 70 000 détenus que compte la France seraient atteints de pathologies psychiatriques sévères ; pour ces derniers l’admission dans des établissements adaptés serait sans doute préférable. L’inadaptation de la prison donne en effet lieu à des maltraitances inadmissibles, comme la persistance de la pratique de l’injection forcée, pourtant jugée illégale en 2011 et qui a pu être récemment mise en évidence dans la prison de Château-Thierry.