Politic Fiction

Pendant qu’on l’apprêtait, Mohamed Sidibe souriait.
Cette soirée était le premier meeting depuis qu’on l’avait investi au terme d’un processus démocratique incontestable. Déjouant tout les pronostics, les idées reçues et augures habituels. Faisant taire tout les aimables gérontes du parti qui pendant toutes ces années avaient voulu lui faire croire qu’ils le protégeaient en ne le mettant pas sur le devant de la scène, « en ne le jetant pas dans l’arène »disaient ils. Il valait mieux qu’il s’en remette à eux pour le défendre, pendant qu’ils le déléguaient aux quartiers.

Il avait été désigné, et cette simple idée le remplissait d’un sentiment nouveau.
Au fond il était fier de son pays qui une fois de plus en remontrait au monde entier. Ah, on s’était repu du spectacle diffusé en boucle sur toutes les chaines actualités du monde, d’émeutes dans les quartiers de la périphérie urbaine de sa capitale, ces voitures qui brulaient devant la police impuissante à contrôler ces explosions de colère qui ne témoignaient que trop du caractère insupportable du déni d’appartenance à la société qu’ils vivaient.
Il ressentait aussi une bouffée de gratitude pour ceux qui lui avaient ouverts le chemin. Pierre Colin, issu des Caraïbes, qui après avoir été chef d’état major des armées, était devenu ce premier ministre qui avait marqué les esprits, même, quand probablement contre son intime conviction,il avait défendu devant le Conseil de Sécurité de l’ONU, les arguments de son pays pour justifier une guerre. Il aurait d’ailleurs pu être son concurrent du parti conservateur, puisque le président, au terme de deux mandats calamiteux ne pouvait pas se représenter. Madame Gondoléa-Riz qui lui avait succédé, était elle aussi issue des minorités visibles, en vertu de la volonté de la société de promouvoir l’égalité sur la seule base de la compétence et de l’engagement, et non pas, selon une pseudo égalité des chances qui pouvait être une qualité au casino, mais n’avait aucun intérêt dans un état moderne et démocratique
Il y avait aussi cette journaliste issue comme lui des « divers », qui depuis tant d’années, était une vedette de la télévision, journaliste, animatrice, femme d’influence, qui l’avait d’ailleurs publiquement soutenu, et tant d’autres PDG, sénateurs, maires de grandes métropoles.
Aujourd’hui, il prouvait à la face du monde que le pays qui avait porté la déclaration des droits de l’Homme, les philosophes des Lumières, seraient toujours en avance. Y compris d’ailleurs sur ces Yankees, incapables d’assumer leur héritage de l’esclavage, éternels donneurs de leçons, se proclamant défenseur de la démocratie et des droits de l’Homme, mais incapables eux d’avoir le courage de promouvoir leur « minorités visibles » !
Ces prétentieux arrogants, qui,entre autres, n’avaient pas su reconnaître dans ce jeune chercheur malien qu’ils avaient formés et pas voulu recruter, celui qui mènerait chez nous et pour Ariane Espace, le programme Mars Exploreur, faisant atterrir le premier robot sur la planète rouge !
Et je ne parlerai pas de ce radiologue d’origine algérienne, qui pour échapper à la condition de ces collègues médecins à diplôme étranger avait traversé l’Atlantique pour devenir le responsable des programmes de santé et le conseiller du Président.

Il s’avançait maintenant vers le micro, il fallait qu’il gagne ces élections.
Mais ça, comparé au reste, c’était presque le plus facile !

Madjid Si Hocine

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