Les 3 et 4 novembre prochain, la présidence française de l’Union Européenne réunit, à l’initiative de Brice Hortefeux, ministre français de l’immigration et de l’identité nationale, l’ensemble des 27 ministres européens de l’Intérieur et de la Justice, pour échanger sur les « bonnes pratiques » à promouvoir à l’échelle de l’Union européenne sur la question de l’immigration.
Pendant ces derniers mois, des mesures à l’encontre des immigrés résidants en Europe ont connu une forte accentuation. En effet, après le vote par le Parlement européen, le 18 juin dernier, de la « directive de la Honte », qui a pour objet d’harmoniser les conditions de rétention et d’expulsion des immigrés en situation irrégulière dans l’Union Européenne, l’acceptation le 26 septembre du Pacte Européen sur l’Immigration et l’asile, soumis pour adoption au Conseil de l’Union Européenne le 15 octobre, la tenue de la Conférence interministérielle euro-africaine des 25 novembre en matière d’immigration et de développement pour tenter de transférer, aux pays de transit ou d’origine des migrants, l’impopularité d’une politique axée sur la répression et enfin, l’organisation par le ministre français de l’Immigration et de l’Identité nationale, à Vichy les 3 et 4 novembre d’un Sommet européen en vue de la mise en oeuvre d’une politique convergente à l’échelle européenne en matière d’immigration, droit d’asile, de contrôle des flux migratoires, de coopération et de développement.
Toutes ces initiatives confirment que la politique européenne, en matière d’immigration, progresse vers la construction de sa forteresse :
L’Europe démocratique prend-t-elle en compte ses engagements en matière des droits de l’homme ?
La politique française d’immigration « choisie », avec la négation du droit de vivre en famille, est-elle finalement conforme aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés européennes qui prévoit des règles qui garantissent le principe de mener une vie familiale et privée stable et normal dans les Etats membres de l’Union européenne.
Le gouvernement français a justifié cette nouvelle approche de la politique de l’immigration par ses intérêts économiques.
Toutefois et selon une étude de l’Insee réalisée en 2007 et publiée le 24 octobre dernier, souligne que le taux de chômage des immigrés, qui sont principalement ouvriers ou employés, est deux fois plus élevé que celui des non-immigrés, avec des différences selon les qualifications, le sexe et l’origine.
En 2007, 361.000 immigrés de 15 ans ou plus étaient au chômage, d’après l’enquête Emploi de l’Institut national de la statistique.
Les immigrés (nés étrangers à l’étranger mais qui ont pu devenir Français) représentent ainsi 16% des chômeurs, alors qu’ils ne constituent que 9% de la population active (2,4 millions d’immigrés sur 27,8 millions d’actifs). Le taux de chômage parmi les immigrés (15,2%) est deux fois plus élevé que parmi les non-immigrés (7,3%).
Cet écart est en partie dû aux différences de qualification. « Les immigrés sont plus nombreux à occuper des emplois peu ou non qualifiés et sont donc davantage exposés au chômage », explique l’Insee. Parmi les 30-64 ans, les immigrés actifs sont trois fois plus nombreux que les non-immigrés à ne posséder aucun diplôme (37% contre 12%).
Mais, à diplôme égal, les immigrés actifs, dont un quart sont diplômés de l’enseignement supérieur, demeurent plus souvent au chômage que les autres.
Ainsi, le taux de chômage de ces immigrés diplômés est près du triple de celui des autres actifs de niveau équivalent. « Les formations qu’ils ont pu suivre à l’étranger ne sont pas forcément reconnues en France », souligne Pascale Breuil (Insee) qui se dit « prudente sur la question des discriminations ».
Les femmes immigrées sont également plus touchées par le chômage que les hommes immigrés (17,3% contre 13,5%) et elles travaillent plus fréquemment à temps partiel que les autres actives (34% contre 28%). Même constat chez les jeunes immigrés : 28% des 15 à 24 ans sont au chômage, contre 13% des 50 ans et plus.
L’Insee note également que les immigrés actifs nés dans l’Union européenne sont beaucoup moins exposés au chômage que les autres.
« Les immigrés qui viennent d’Espagne, d’Italie ou du Portugal, qui sont présents depuis plus longtemps en France », ont même un « taux de chômage inférieur » d’un point à celui des actifs non immigrés, précise Mme Breuil. À l’inverse, les natifs d’Algérie ou de Turquie ont un risque de chômage triple de celui des non-immigrés.
Globalement, 62% des immigrés occupent des emplois d’ouvriers ou d’employés, contre 51% des autres actifs ayant un emploi.
Les immigrés venus des pays d’Europe, autres que l’Espagne, l’Italie et le Portugal, sont davantage cadres ou professions intermédiaires.
Quant aux femmes immigrées, un tiers d’entre elles occupent des postes d’employées non qualifiées, contre une sur cinq pour les non-immigrées.
Comme le reste de la population en emploi, les immigrés travaillent majoritairement dans le tertiaire (73%). Et dans des secteurs comme le nettoyage, les services domestiques et les entreprises de sécurité, plus de 20% de la main-d’oeuvre est constituée d’immigrés.
L’Insee précise qu’en Ile-de-France, 69% des salariés des entreprises de nettoyage sont des immigrés.
Peut-on parler de valeurs républicaines à la française en relevant d’une part les différences de traitement entre les employés en raison de leur origine, sexe et nationalité et la violation d’une autre part le principe d’égalité (article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés européennes) ?
L’enjeu aujourd’hui n’est pas d’entourer l’Europe d’une enceinte de barbelés électrifiés et militairement gardés mais plutôt de garantir aux immigrés présents sur le sol européen le bénéfice de toutes les conditions pour s’insérer dignement dans la société française ou les sociétés européennes (accès au logement, à l’emploi, à la santé, à l’éducation…).
Par ces mesures, l’Europe sortira grandie s’il elle fonde sa construction sur le respect des Droits de l’Homme et la démocratie.
Fayçal Megherbi, doctorant en droit et juriste d’ONG à Paris